On est pris dans un courant traversé de perturbations, d'étendues calmes, d'obstacles, de minces filets d'eau ou de torrents. Une musique fleuve, qui respire mais ne s'arrête jamais, qui pourrait ressembler à une sorte de musique progressive, mais rugueuse, nourrit de musiques archaïques. Entendre les Autonautes c'est suivre un chemin que le trio a formé à la longue, un parcours qu'ils définissent à force de l'emprunter, un sentier dont ils connaissent les moindre détails. Chaque idée musicale trouve son origine dans la précédente, un son en poussant un autre, suivant une logique linéaire, à la manière d'une suite de dominos.
Avec Les autonautes de la cosmoroute, nous faisons une musique fleuve, cinématique, qui respire mais ne s'arrête jamais, qui pourrait ressembler à une sorte de musique progressive, mais rugueuse, nourrit de musiques archaïques. Entendre les Autonautes c'est suivre un chemin que nous avons formé à la longue, un parcours qu'on définit à force de l'emprunter, un sentier dont on connait les moindres détails. Chaque idée musicale trouve son origine dans la précédente, un son en poussant un autre, suivant une logique linéaire, comme une suite de dominos.
Pol Small : percussions
Julien Moneret : contrebasse
Julien Desailly : uilleann pipes
«En 1989, les écrivains Julio Cortazar et Carol Dunlop se lancent sur l'autoroute du soleil, entre Paris et Marseille pour un long voyage d'un mois d'aire en aire, voyage qui ne devrait prendre que quelques heures. La règle du jeu est simple : passer une journée minimum par aire d'autoroute, et tenir un journal de cette étonnante expédition. Ils en tireront un livre bien nommé "Les autonautes de la cosmoroute". L'humour y est un levier important, mais cette expédition à première vue complètement absurde se révèle être une formidable machine à ralentir le temps. Cortazar et Dunlop parviennent à opérer un renversement dont les enjeux sont d'autant plus importants à l'heure actuelle.
À l'autoroute, dont l'utilité est d'accélérer la traversée de la France, ils opposent une lenteur forcée, une résistance teinté d'humour mais réelle. L'autoroute, qui à première vue apparaissait comme un temple de la vitesse et du gain de temps – notions associées à la modernité – devient un lieu de vie, de contemplation, et un gisement narratif inépuisable»
Nous occupons un autre registre, celui de la composition musicale. Nous passons de très longues heures à écrire ensemble ce qui parfois ne dure que quelques secondes lors d'un concert ou d'un enregistrement. Depuis les débuts du groupe, nos compositions s'étirent entre 45 minutes et une heure sans discontinuer. Cette forme longue et notre façon d'écrire (une idée en poussant une autre) nous a naturellement conduit à penser notre travail de composition comme un processus dont il ne faut pas négliger les ressorts. L'idée qui s'est d'abord présentée est de commencer la composition d'un morceau à notre entrée sur l'autoroute et de finir ce même morceau un mois plus tard, et que ce morceau pourrait être l'unique pièce de notre futur concert.
Le livre Carol Dunlop et Julio Cortazar n'est rien de plus qu'un point de départ, il donne une clef, un principe que nous pouvons transposer à nos disciplines. Nous n'allons pas faire un spectacle, nous n'allons pas rejouer leur voyage, nous ne sommes pas sur leurs traces. Notre voyage est une nouvelle expérience très différentes. Trente ans plus tard, la vie sur les autoroutes à beaucoup changée, notre regard est différent, nos compétences aussi.
Nous sommes entrée sur l'autoroute A75 fin juillet, vers Brioude en Auvergne. Mais c'est sur l'A71 que nous avons exploré le plus en profondeur. Nous avons pensé ce voyage comme une véritable expédition, comme d'arpenter une montagne ou remonter les sources du Nil, par goût pour l'absurde — une blague qu'il a fallu tenir un mois — et parce qu'il y a aussi des choses à voir de ce côté-là du monde.
Nous voulions faire l'expérience, à trois, de ce ralentissement, et profiter de cette existence répétitive pour écrire, à trois encore.
Nous voulions voyager sans quête exotique, juste en changeant de point de vu. En tant que musiciens, nous fréquentons déjà beaucoup ces routes et ces aires. Nous sommes sorti du parc autoroutier fin août et avons rejoint Paris pour un concert.
Cette expérience d'un mois d'enfermement volontaire nous a permis de changer de posture vis à vis de lieux de passage qu'apparemment rien n'habitent, prétendument réduit à leur utilité : essence, nourriture, pause. Des lieux où l'on ne reste jamais, qu'on traverse toujours. Des lieux sous-exploités (sur le plan de l'imaginaire, de la culture, de la nature) et qui révèlent assez bien une part de violence dans notre mode de vie. Une violence qui découle directement de choix de consommation, et de façons d'envisager le voyage.
Nous n'avons pas vécu ce mois uniquement comme un enfermement, à l'instar de Cortazar et Dunlop avant nous, nous avons entr'aperçu les vies cachées et les richesses inattendues de l'autoroute.
Notre musique n'a pas de discours là-dessus, mais peut être que tout cela y transparaît, s'y devine.